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Police : une grave crise de commandement



La dispersion violente d’un campement de migrants et le passage à tabac d’un producteur de musique ne sont pas uniquement des dérapages individuels. Ils montrent surtout des dérives hiérarchiques et une perte des repères républicains.
Un groupe de policiers s’acharnant de longues minutes à coups de poing, de pied et de matraque sur un homme noir dans un lieu privé, sans autre motif apparent que le non-port d’un masque anti-Covid, des armes pointées, des injures racistes répétées, selon la victime.
Ces faits, qui « font peu de doute », selon le ministre de l’intérieur, et dont a été victime, le 21 novembre, à Paris, le producteur de musique Michel Zecler confirment que ce n’est pas d’une série de "bavures", de dérapages individuels, que souffre la police française. Il s’agit bien là d’une grave crise du commandement, de dérives hiérarchiques et d’une perte des repères républicains.

Révélé trois jours après la dispersion inutilement violente d’un campement de demandeurs d’asile, place de la République à Paris, et après de multiples épisodes documentés de violences policières, notamment contre les "gilets jaunes" et les manifestants opposés à la réforme des retraites, cet insupportable tabassage ébranle l’idée de sécurité publique, l’un des fondements de la démocratie. Il salit la France.
L’histoire le montre : le comportement des policiers dépend largement des ordres qui leur sont donnés, de la fermeté des rappels aux procédures et au droit, de l’impunité promise ou non. "Vous serez couverts", déclarait aux policiers parisiens le préfet Maurice Papon quelques jours avant le massacre de manifestants algériens le 17 octobre 1961. A l’inverse, on sait ce que l’absence de drame pendant les émeutes de Mai 1968 doit aux consignes du préfet Maurice Grimaud : "Frapper un manifestant tombé à terre, c’est se frapper soi-même en apparaissant sous un jour qui atteint toute la fonction policière."

Violence sans garde-fous
Or, lundi, à Paris, dans un tout autre contexte, c’est un commissaire divisionnaire, haut gradé de la brigade anticriminalité de Seine-Saint-Denis, qui fait un croche-pied à un manifestant. C’est le préfet Lallement qui couvre une opération où des hommes entraînés pour courir après des délinquants sont chargés d’évacuer des migrants installés dans des tentes et au cours de laquelle un journaliste est molesté. En juillet, devant les députés, c’est Gérald Darmanin qui déclare : "Quand j’entends le mot violences policières, personnellement, je m’étouffe", reprenant le verbe utilisé à sept reprises, au cours de son agonie, par Cédric Chouviat, ce livreur mort en janvier, à la suite d’un contrôle policier.

Source : Editorial "Le Monde" (27-11-2020)